L’apprenant algérien et identité en question : entre l’arabe enraciné et le français réadapté

 

Mlle Ben Hedid Karima

Université Kasdi Merbah  Ouargla

 

 

                                                        « Pour l’individu, voire pour les groupes, des

                                        régions, des nations entières, la langue sert à

                                        marquer l’identité culturelle tout comme d’autres

                                       marqueurs culturels tels que l’habillement,

le logement ou les institutions sociales »[1]M.Byram

        La langue est le symbole de l’identité d’un pays et la marque de son existence. Elle constitue l’un des facteurs puissants, et les composantes fondamentales, qui associée à son histoire, sa culture et sa religion contribuent à développer un sentiment d’unicité et de cohésion sociale et nationale dans chaque  individu partageant avec son pair la même identité nationale et collective en parlant la même langue nationale en conservant à ce pays ses valeurs et ses coutumes partagées et héritées depuis des milliers d’années.

En Algérie, la Langue Arabe est langue nationale et officielle selon la Constitution algérienne menée en 1963 par le Conseil National de la Révolution, laquelle est la langue de l’administration, de l’éducation et de la communication. La langue arabe a constitué avec l’Islam et constitue la force résistante contre toute tentative de dépersonnalisation exercée par les autorités coloniales pendant l’époque de l’occupation, elle était la deuxième face de la personnalité algérienne résistante.

      En revanche, La complexité linguistique due au  quadrilinguisme  social en Algérie particulièrement renfermant l’Arabe classique/ l’Arabe dialectal / le Français et le Tamazight présente un certains chevauchement où rencontrent ces différentes langues ; ce qui amène à une certaine variété linguistique et identitaire de fait que l’individu parlant le berbère peut avoir plus qu’une identité : celle la berbère incluse sous l’identité  arabo-musulmane, comme le souligne  M.Byram  : « Chaque être humain appartient à plusieurs groupes sociaux et possède de nombreuses identités sociales. Ainsi, une personne peut être à la fois « enseignante », « supporter du Real Madrid », « allemande », « parisienne »[2] ; mais cela n’a  jamais empêché l’union de son peuple quelque soit la variété de langue qu’il pratique, c’était par contre une raison de force face à tout déracinement.

La langue ou les langues nationales sont enseignées à l’école comme des matières ou également elles sont utilisées pour enseigner d’autres disciplines et pour les langues ayant des

variétés, les apprenants apprennent à lire et à écrire une nouvelle variété de langue qui diffère complètement de celle acquise dès sa naissance et c’est le cas de l’Algérie où l’apprenant venant avec un certain acquis et bagage linguistique constitué de sa langue maternelle confronte une variété langagière qui lui avait complètement différente.

Le statut de la langue française demeure ambigu, même si elle  est qualifié de  langue étrangère, elle continue d’être la langue de travail et de communication dans les différents secteurs (économie, administration, médecine, pharmacie, l’industrie, l’enseignement supérieur…etc.) et elle ne cesse plus de s’officialise même si elle ne l’est pas en s’imposant de jour en jour notamment avec l’augmentation de la courbe démographique ce qui implique celle du nombre des locuteurs qui n’a pas dépassé quelques milliers après l’indépendance pour atteindre plus de neuf millions des locuteurs parlant le français dans la société algérienne actuelle.

Or, l’usage de la langue française en Algérie, s’est largement étendu après l’indépendance, mais en raison de la politique d’arabisation, il acquiert le statut de langue étrangère enseignée dès la 4ème année du primaire, puis lors de la réforme du système éducatif, son enseignement a été introduit en 3ème année du cycle primaire dès l’année scolaire 2006/2007.

D’ailleurs, le progrès que connait l’université algérienne et les horizons culturels qu’elle a offert y compris la mondialisation et l’ouverture sur le monde peuvent bien montrer l’expansion des chiffres présentant le taux des locuteurs parlant et utilisant le français soit par le contact et les échanges interculturels, soit par l’ouverture des nouvelles filières et domaines de recherche où la langue française devient leur moyen d’étude ,  ce qui fait qu’elle prend place même par la force à coté  de la langue arabe et faisant partie du dialecte algérien arabe et berbère se qui se manifeste dans le nombres élevé des mots français dans le parler quotidien des algériens :

«  Sans être la langue officielle, la langue française véhicule l’officialité. Sans être la

langue d’enseignement, elle reste la langue de transmission du savoir. Sans être la

langue identitaire, elle continue à façonner l’imaginaire culturel collectif de différentes

formes et par différents canaux. Et sans être la langue d’université, elle est la langue de

 

l’université. Dans la quasi-totalité des structures officielles de gestion, d’administration

et de recherche, le travail s’effectue encore essentiellement en langue française. »[3]

Ce qui résulte que l’apprenant se  trouvé obligé à mi chemin entre sa langue de départ avec un lexique enrichi par des mots et des néologismes venant d’autre langue et une  autre langue réadapté  et qui vient pour superposer sur le premier système originel et son apprentissage sera une nécessité qui lui oblige de changer d’attitude ou de représentation vis-à-vis de cette seconde langue et les questions que nous pouvons poser seront les suivantes :

Apprendre une langue étrangère et notamment le français n’incite pas son apprenant à savoir au moins un de ses aspects culturels ou historiques ?

Quelle(s) représentation(s) peut avoir un algérien à nos jours ? Et comment cela se manifeste ?

A quelle mesure l’apprenant algérien peut-il être attaché à son identité arabo-musulmane ?

De toute évidence, la place de la langue française en Algérie est imposée même si on l’accepte ou pas et elle constitue la trace la plus durable de l’occupation française de l’Algérie, pourtant cette place n’a bénéficié d’aucune étude scientifique fondée qui la prouve grâce à l’enracinement d’une littérature algérienne d’expression française avant l’indépendance et l’importance accordée a l’apprentissage des langues étrangères et notamment la langue française de la part de président de la République Algérienne Mr Abdelaziz BOUTEFLIKA dernièrement dans le cadre de l’ouverture sur le monde par le biais des langues étrangères qui constituent une extrême nécessité à nos jours tout en valorisant la langue Arabe : « La langue française et la haute culture qu’elle véhicule restent, pour l’Algérie, des acquis importants et précieux que la réhabilitation de l’arabe, notre langue

 nationale et officielle, ne saurait frapper d’ostracisme » [4]et cela se manifeste au niveau du système éducatif et la politique de l’enseignement de français qui a atteint son but dans une

situation sociolinguistique difficile à remanier.

De ce fait, la sorte l’acculturation est inévitable même si elle est involontaire et cela peut être traduit dans le mode de vivre, de s’habiller, de se comporter et de penser  en empruntant

 

certains comportements et pratiques loin de notre religion, nos traditions et nos coutumes arabo-musulmanes chez les jeunes générations en particulier ( les étudiants universitaires) qui voient dans l’usage de français une langue de prestige et de modernité reflète leur personne et

leur  appartenance social et moyen de se libérer des contraintes sociales, culturelles et économiques qui s’imposent plus qu’un code usé au service d’autres domaines de savoir et de recherche :

« La maîtrise d’une langue dotée d’un certain prestige représentera, pour l’individu, un

bien appréciable, dans la mesure où il la considérera comme un atout pour son image et

sa position sociale, et où il en attendra des bénéfices pour une éventuelle progression. »[5]

Les présentes observations peuvent dévoiler un certain état de carence au niveau de la conscience culturelle, sociale et historique qui mène à une ambigüité d’appartenance identitaire du sujet de fait qu’il s’est trouvé à mi-chemin, tiraillé, dans un contact de deux  langues, deux cultures, en quête de son identité perdue.

 

 La langue française a prouvé sa présence enracinée, si j l’ose dire, depuis longtemps et dés la naissance d’une littérature algérienne d’expression française pendant le colonialisme français en Algérie, et après l’indépendance, en tant que langue étrangère et seconde après la langue arabe et son usage permanant dans tous ses secteurs vitaux font de l’Algérie  le deuxième pays francophone au monde,  le français a pu dépasser le stade d’ un moyen d’échanges, pour qu’il soit la langue d’ouverture sur le monde, mais sans avoir l’attitude figée vis-à-vis de cette langue qui nous appris sa culture.

  Par ailleurs, la nécessité d’apprendre les langues étrangères renforce le lien existant entre la personne, sa religion et les conseils de son Prophète « Que le salut soit sur lui » conseillant les musulmans d’apprendre les langues pour leur paix et leur sécurité avant même que cela soit objet des discours politiques des pays.

En résumé, si à chaque langue apprise est une nouvelle identité prise, on risque de porter dans chacun de nous un amalgame dans lequel se chevauchent nos différentes identités mais nous pouvons le résoudre pour dire que la question identitaire reste tributaire de l’individu qui veut peut être « être »et non « avoir » cette langue ou l’inverse.

Références bibliographiques :

BYRAM M. Langues et identités :Etude préliminaire, Division des politiques linguistiques, Strasbourg

Dabène, L. Repères sociolinguistique pour l’enseignement des langues, Paris, Hachette, 1994 .

 

Discours du Président de la République algérienne Monsieur Abdelaziz Bouteflika à l’Assemblée nationale française, le 14 juin 2000.

 

Laboratoire création d’outils pédagogiques en langues étrangères, PASSERELLE ; numéro spécial : langues et modernité, Éd. Dar Elgharb, Oran,2004 .

 

Sebaa, R. L’Algérie et la langue française, l’altérité partagée, Oran, Edition Dar el Gharb ,2002 .


[1] BYRAM M. Langues et identités :Etude préliminaire, Division des politiques linguistiques, Strasbourg.

[2] BYRAM M.ibid

[3] Sebaa, R. 2002. L’Algérie et la langue française, l’altérité partagée, Oran, Edition Dar el Gharb, p.85

 

[4] Discours du Président de la République algérienne Monsieur Abdelaziz Bouteflika à l’Assemblée

nationale française, le 14 juin 2000.

[5] Dabène, L. Repères sociolinguistique pour l’enseignement des langues, Paris,Hachette, 1994 , p.191

 

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